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article sur l’immunité de Denis Riché
Qu’on soit thérapeute, patient, journaliste, de quelque milieu qu’on provienne, ce domaine fait l’unanimité : L’immunité s’avère un sujet très compliqué à comprendre. Cela n’interdit pourtant pas d’en débattre et le lieu commun peut très vite s’ériger en vérité ; visiblement, l’absence de compétence ne constitue pas un frein à l’expression. Pourquoi cette facilité et surtout ce besoin de disserter sur des sujets en lien avec l’immunité : les infections, les défenses, la vaccination, comme on l’a vu au cours de la pandémie ? Parce que par sa complexité, par sa part d’imprévisibilité, l’immunologie représente une évidente source de stress. Face à celui-ci la simplification, la communion de pensée, au risque de se tromper, permet de se rassurer. Comprenons bien que tout ce qui échappe au contrôle, comme une épidémie ou les effets secondaires éventuels d’un traitement, va générer du stress, comme je l’ai déjà souvent expliqué.
Alors de quoi s’agit-il ? L’immunité n’est ni l’usage des statistiques, ni l’infectiologie, spécialité où on considère souvent, tel un Général Custer reconverti en expert des éprouvettes, que : « tout bon microbe est un microbe mort ». Certes, certains ont récemment nuancé ce dogme en évoquant de « bonnes » ou de « mauvaises « bactéries, et tant pis si parfois certaines espèces se rangent dans les deux groupes ! En fait, l’immunologie décrit l’intervention en temps réel de différents acteurs biologiques aidant à assurer deux fonctions majeures que sont la défense d’une part, et la tolérance d’autre part. La distinction semble facile, reconnaître le « soi », éliminer le « non soi ». Les dernières années ont porté à notre connaissance des données qui brouillent nos repères ; en effet, nous apprenons à vivre avec notre microbiote, alors que ces bactéries n’appartiennent pas de toute évidence au « soi », selon le sens initial de cette expression. Et notre ADN, celui dont je vous ai parlé au premier chapitre, comprend également plus de 10 % de séquences d’origine virale, intégrées à notre capital génétique au cours de l’évolution. Et que dire de nos mitochondries bactériennes ? Comment réagira-t-on si un virus porteur de séquences très proches vient nous attaquer ? On pressent bien que la survenue de ratés n’a rien d’invraisemblable.
La défense englobe nos muqueuses, barrière physique d’une extrême importance : souvenez-vous de la crainte qu’on peut éprouver si on se blesse avec un objet rouillé et qu’on ne se souvient plus si le vaccin anti-tétanos est à jour. Mais elle repose surtout sur l’intervention de nombreuses catégories de cellules, dont l’ensemble représente les globules blancs. Chacune d’elles possède ses spécificités, et elles peuvent également conjuguer leurs actions face à un danger majeur et immédiat. La tolérance, quant à elle, ne repose que sur une catégorie de cellules : les « lymphocytes régulateurs », encore nommés « Treg ». Leur caractère unique, l’absence d’autres cellules pouvant les suppléer, explique que nous puissions nous montrer plus vulnérables aux réactions inappropriées dirigées contre nous. L’augmentation très marquée de l’incidence des maladies auto-immunes, telle qu’on le constate depuis un demi-siècle, accrédite fortement cette possibilité. Ces défauts de tolérance surviennent aussi parfois, de manière assez rare, chez des sujets prédisposés, en réponse à certains vaccins. La démonstration en a été apportée avec une démarche aussi banale que la vaccination anti-grippe, dont il a été démontré qu’elle pouvait favoriser la survenue de pathologies auto-immunes.
Enfin, d’autres caractéristiques viennent compliquer ce tableau : certains agents infectieux, non contents de nous mettre à mal, s’en prennent aux logiciels qui régissent nos défenses, et peuvent y laisser des perturbations, susceptibles de persister alors même que l’infection aurait cessé. Tout se passe comme lorsqu’un incendie se poursuit alors que le pyromane qui en est responsable a quitté les lieux depuis longtemps. Les principaux responsables de tels désordres commencent à être bien connus. Il s’agit par exemple du candida Albicans, de la borréliose, ou de l’Helicobacter Pylori. Certains vaccins peuvent aussi influer sur la tolérance et, agissant au niveau de l’épigenèse, l’impact sur l’immunité de la descendance constitue une question d’importance, trop peu considérée.
Les bactéries et les virus constituent les principaux agresseurs potentiels desquels, au cours de l’évolution, nous avons appris à nous protéger. Mais de nouveaux adversaires sont apparus depuis quelques générations, et représentent désormais des dangers avérés. Leur présence résulte des perturbations subies, de la main de l’Homme, sur notre environnement. Loin de constituer des élucubrations d’écologistes rêveurs, cette menace s’est bel et bien concrétisée. Ainsi, plusieurs études décrivent une perte de tolérance, se manifestant par des tendances allergiques beaucoup plus prononcées, ou par la survenue de maladies auto-immunes, en cas d’exposition prolongée à divers types de polluants. Notons ainsi qu’ils provoquent une fragilisation de nos défenses, en lien avec des anomalies des méthylations. Cette fragilité se retrouve au niveau de la descendance. Relevons enfin l’impact du stress, perturbateur majeur, dont les conséquences sont largement reconnues aujourd’hui, tant en ce qui concerne le risque d’auto-immunité que de cancer, son influence englobant, là aussi, des altérations de l’épigenèse .
La réflexion sur l’immunité englobe également la question d’éventuels déficits. On sait par exemple, lors d’une infection à Covid, qu’un manque de sélénium ou de zinc augmente le risque de mortalité, au même titre que le manque de vitamine D, ou que la carence protéique, qui a rendu tant d’enfants africains vulnérables à la rougeole.
Comprendre l’origine d’un problème immunitaire nécessite par conséquent de recueillir beaucoup d’informations, relatives au patient à un instant « t » de sa vie, mais aussi de le questionner sur d’autres événements survenus antérieurement, de regarder ce qui a pu concerner les parents et grands parents, la fratrie, et enfin de déceler des points d’appel dans la descendance, notamment chez les mamans. En effet la grossesse, période de relative répression immunitaire, nécessaire à une bonne tolérance du fœtus, peut accentuer des déséquilibres immunitaires, s’accompagner de déficits (fer, oméga 3 par exemple), de modifications du microbiote, qui retentiront parfois violemment chez leurs enfants.
Prendre en charge des troubles liés à l’immunité et envisager des stratégies de prévention qui ne fassent pas courir plus de risques ou n’occasionnent pas davantage d’incertitudes que ce qu’elles sont supposées traiter, tel est l’enjeu d’une « immuno-nutrition » cohérente. En a-t-on jamais entendu parler sur les plateaux télé, ou a-t-on jamais lu une quelconque allusion à cette manière d’aborder la catastrophe sanitaire en cours ? Je vous laisse répondre à ma place.
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